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Les controverses parisiennes d’Agrippa d’Aubigné. Ses récits, et ce qu’on peut en croire

Jean-Raymond Fanlo

Aix-Marseille université

jean-raymond.fanlo@wanadoo.fr


Les controverses théologiques entre protestants et catholiques en France se multiplient sous le règne d’Henri IV et au début de celui de Louis XIII. Agrippa d’Aubigné y participe à plusieurs reprises. En 1595, à Niort, il intervient dans une polémique entre le pasteur Louis de La Blachière et le jésuite Jules César Boulenger, et publie La Responce de Michau l’aveugle, que suit l’année suivante, après des contre-attaques catholiques, la Replique de Michau l’aveugle. Il intervient encore en 1600 dans les controverses autour de la sœur du roi, Catherine de Bar, et publie l’admirable Traitté des douceurs de l’affliction, où il traite de manière originale la théologie, sans syllogismes ni batteries de citations, sous la forme d’une épître mélancolique à une princesse affligée. En 1619, il suit la publication par Jean Moussat du Recit veritable de ce qui s’est passé en deux conferences tenues és mois de Janvier et May passez, entre P. PASQUIER ministre  dela parole de Dieu en l’Eglise de Champdenier. Et le P. ANASTASE Capucin[1] et ajoute en fin du volume une épigramme « Sur le portal des capucins » Les livres de controverse sont nombreux dans sa bibliothèque genevoise. Mais il affirme aussi avoir débattu victorieusement à trois reprises avec deux grandes figures du catholicisme française, Jacques Davy du Perron, évêque d’Evreux, puis cardinal, « convertisseur » d’Henri IV, redoutable controversiste, orateur éloquent, et le jésuite Pierre Coton, confesseur d’Henri IV.

            Nous allons examiner ces affirmations et nous poser la question de leur vraisemblance.

1.     Une dispute théologique avec le cardinal du Perron ?

      Les récits.

Philippe de Mornay, un des principaux chefs du parti protestant, longtemps conseiller écouté du roi, est l’auteur de discours politiques, de livres de méditation religieuse et d’apologétique (De la Vérité de la religion chrestienne, 1582), mais aussi de controverse. Son Traité de l’Eglise auquel sont disputées les principalles questions, qui ont esté meues sur ce point en nostre temps (1583) lui vaut une polémique avec Charron en 1595. En 1598 il publie son ouvrage capital, De L’institution, usage, et doctrine du sainct sacrement de l’eucharistie, en l’Eglise ancienne, Ensemble, Comment, Quand, et par quels Degrez la Messe s’est introduite en sa place (La Rochelle, Hierosme Haultin). Le livre veut retrouver la vérité originelle du christianisme tout en démontrant l’erreur catholique. Volumineux, savant, ambitieux, il vise la plus importante autorité romaine en la matière, Robert Bellarmin, à propos du plus important sacrement du christianisme. Les catholiques réagissent vivement, des prêcheurs aux théologiens : Boulenger, Richeome, Fronton du Duc l’attaquent. En mars 1600, à Paris, Du Perron affirme qu’il a falsifié de nombreuses citations. Piqué au vif, Mornay réagit. Le 20 du même mois, il lui écrit et le met au défi de s’associer à lui pour demander des commissaires qui vérifient « tous les points par lui allégués en ses livres ». Du Perron saisit l’occasion. Il publie la lettre sous le titre de Sommation du sieur du Plessis, à Mr. l’evesque d’Evreux, avec la réponse dudit sieur Evesque[2]. L’affaire devient confrontation publique, « d’un party à un party »[3]. Mornay suit avec la Responce du sieur du Plessis à l’escrit publié par le sieur Evesque d’Evreux, sur la sommation à luy faicte privément par ledit sieur du Plessis[4]. Le roi accorde la rencontre[5], des commissaires ou arbitres des deux religions sont choisis, divers problèmes de procédure plus ou moins vétilleux sont réglés : la conférence s’ouvre à Fontainebleau le 4 mai. Sur les cinq cents passages que Du Perron juge falsifiés, on en examine neuf. Sept fois, les commissaires constatent des irrégularités, des erreurs de transcription ou d’interprétation. Le soir, Mornay tombe malade. Il ne reprend pas le lendemain et quitte Fontainebleau sans prendre congé du roi. Du Perron a gagné. Le 6, Henri IV exulte dans une lettre à Épernon qui est aussitôt « imprimée et criée »[6]. Le roi a choisi son parti et le fait savoir. Côté catholique, on crie victoire. Côté Mornay, on relativise, on conteste. Même si tout peut se discuter, si le match ne s’est peut-être pas joué à armes égales, si le roi était partial, l’opinion retient ce qu’Henri IV écrit à Épernon : « le diocèse d’Evreux a vaincu celui de Saumur. » À  pape, la victoire prend valeur symbolique. une époque où des protestants se convertissent au catholicisme, où celui-ci fait preuve d’un dynamisme nouveau (création de nouvelles congrégations, réformes, manifestations spectaculaires comme le Jubilé de 1600 ou les prières de Quarante heures…), où Henri IV se rapproche du

      Agrippa d’Aubigné prétend avoir gagné la revanche. Il l’affirme à trois reprises. Dans Sa vie à ses enfans, d’abord :

Aubigné arrivé [à Paris] quinze jours après, le roi le commit avec le même [Du Perron], où la dispute ayant duré cinq heures en présence de quatre cents personnes de marque, l’Évêque s’échappant des arguments par des grands discours, son adversaire forma une démonstration [Un syllogisme en forme].

Ce syllogisme dénie aux Pères une autorité en matière de dogme, puisqu’ils se sont contredits[7]. L’Histoire universelle reste allusive :

Cette même dispute relevée à quinze jours de là par un Gentilhomme (A) contre le même Evêque, dont les extraits qui en furent déposés entre les mains du roi, se pourront voir imprimés[8].

Une lettre à M. de Montausier donne un récit plus détaillé : « quinze jours après la dispute de Fontainebleau », à l’abbaye de Saint-Germain des Prés, le roi voit Aubigné et « court » à lui « pour déployer une grande exultation sur la victoire de l’Evêque ». Le huguenot conteste la victoire, Épernon le défie de relever le gant. Dans un entretien « à part » avec le roi qui craint « quelque trait de liberté », Aubigné fait valoir que « M. du Plessis n’a point fait de faute en l’allégation du passage lequel il cote [cite] selon Cedrenus. » Et de citer la formule de cet auteur byzantin qu’il reprend souvent : « reluisante est la victoire quand nous mettons en avant les témoins des adversaires[9] ». Puis il reproche au roi d’avoir été ingrat envers Mornay. Piqué, le roi dit « aux deux qui l’accompagnaient [Epernon et Bellegarde, apparemment]. Aubigné fait le résolu, mais il aura sa part au gâteau. » Ensuite « Il se passa dix ou douze jours que l’Evêque d’Evreux m’envoyait de ses nouvelles, me conviant à faire un morceau de bonne chère et à discourir amiablement. » Finalement, « un matin », Aubigné est averti que ce jour l’évêque donne un festin « où se devaient trouver douze prosélytes desquels il devait triompher en ce jour-là », et qu’on fait courir le bruit qu’il n’ose s’y rendre. Il s’y rend. Après un repas raffiné, les choses sérieuses commencent. Quatre cents personnes dans la salle, « les dix clients » (ils étaient douze) assis à part. Des livres sont apportés. Du Perron se lance dans une harangue émaillée de compliments pour son adversaire. Prié de les abréger, il conclut qu’il va montrer que les Pères, et notamment Jean Chrysostome, concordent avec la « doctrine de salut » catholique. Aubigné répond par un préambule assez long et tout aussi rhétorique, avant de dégainer sa citation favorite de Cedrenus et le syllogisme sur les contradictions des Pères qui interdisent de les prendre pour autorités.

Nullus judex falsus est judex,
Atqui patres sunt falsi,
Ergo Patres non sunt judices.

Du Perron fait quelques distinguos… et nous n’en savons guère plus, car l’épistolier, qui se prétend soucieux d’abréger, passe sur une dispute « de cinq heures »... Il nous apprend seulement qu’il a promis de prouver la mineure du syllogisme, que le roi s’est ensuite engagé à arbitrer. Quelques années après (alors que Du Perron est devenu cardinal, en 1604), le livret promis, le traité De Dissidiis patrum qu’évoquent les mémoires, est remis à Henri IV. Il n’aurait eu aucune réponse[10].


            Imprécisions

Les trois versions se recoupent avec des divergences. Points communs : Aubigné est forcé par le roi de reprendre la dispute de Mornay (« cette même dispute relevée », dit l’Histoire ; « entreprendre la dispute que Duplessis a quittée », dit la Correspondance, p. 651). Il le fait devant un très nombreux auditoire. Il coupe court aux rhétoriques captieuses de son adversaire par un syllogisme, et s’engage à écrire un traité sur les contradictions des Pères. Il remporte la victoire et « aucun des dix [clients] » ne quitta sa religion de quatre ans »[11].

      Une pièce du fonds Tronchin paraît confirmer partiellement ce récit. Dans le volume 153,  au dos d’une  lettre de Christophe de Dohna, Aubigné a noté de sa main une courte liste d’œuvres, qui commence par « de dissidiis. 2 copies »[12]. Si on en juge par la suite, cependant, la liste contient des œuvres assez brèves.

            Mais il y a des confusions, des imprécisions. Le calendrier change selon les versions. Aux quinze jours après la conférence qu’elles mentionnent toutes trois, la lettre ajoute « dix ou douze jours » avant la dispute proprement dite. La chronologie de cette lettre est d’ailleurs incertaine. Elle évoque le cardinalat de Du Perron (1604), elle s’embrouille dans les conversions, puisqu’elle affirme que quatre ans après, soit en 1605, « Sainte-Marie, Vignole et Loménie » se sont convertis, alors que le premier et le troisième au moins l’étaient déjà en 1600. De toute évidence, Aubigné écrit dans sa vieillesse à une époque assez éloignée pour que les dates se confondent. Les lieux sont également sujets à caution. La discussion avec Henri IV, quinze jours après Fontainebleau, a lieu à « l’Abbaye Saint-Germain » où le roi était allé voir la princesse de Conti[13]. Jeanne de Coème, princesse de Conti, y réside en effet, dans le palais abbatial élevé par le cardinal de Bourbon, comme l’atteste l’Inventaire après décès de Jeanne Coesvres, princesse de Conti, épouse de François de Bourbon, prince de Conti, biens sis au château de Saint-Germain-des-Prés, paroisse Saint-Sulpice[14]. Mais on ne sache pas qu’Henri IV se soit rendu à Saint-Germain des Prés à cette période. Quinze jours après la conférence, le dimanche 21, il écoute Du Perron prêcher à Notre Dame, le dimanche 21, où celui-ci prêche encore le lendemain[15]. Le jeudi suivant, le 25 mai, il prêche à Saint-Germain l’Auxerrois, et le 26, il dîne avec le roi au Louvre[16]. On voit donc mal où la rencontre avec le roi a pu se faire, et quand la controverse s’est tenue. Enfin, on n’en sait pas le sujet. Le cadre narratif, avec assistance nombreuse, livres empilés sur deux tables à côté des controversistes, est celui de de Fontainebleau. Mais Aubigné, si savant fût-il, n’était pas en mesure de défendre à l’improviste les citations de Mornay. À propos de son propre livre, celui-ci s’est plaint de ne pas avoir eu le temps d’une bonne préparation parce que la liste des citations en cause ne lui a été communiquée que la veille, de même que les livres nécessaires. La discussion a-t-elle porté sur un autre sujet ? Un autre passage de la lettre le laisse penser, puisque du Perron parle du « point de la justification »[17], du salut. Mais là encore, Aubigné n’avait guère les moyens d’improviser. On argumentait par syllogismes dont les majeures étaient tirées de l’Écriture ou de la patristique. Tout cela requérait une préparation minutieuse et rigoureuse, la consultation d’une vaste bibliothèque. Et, nous le verrons plus loin, un point de dogme n’a pas pu être mis en débat. Les affirmations d’Aubigné restent donc très vagues et sujettes à caution.


            Des affirmations non confirmées en leur temps… pas même par l’intéressé

Alors que l’écrivain décrit une dispute publique, en présence d’une nombreuse assistance, aucune source n’en fait état, ni Du Perron, ni Mornay, ni son épouse pourtant restée à Paris jusqu’au 10 juin, donc bien après la supposée dispute, ni L’Estoile, ni la relation recueillie par le cardinal Bentivoglio. Mornay et Du Perron écrivent beaucoup et reçoivent beaucoup de courrier : Bellièvre félicite le second le 3 juillet, Mornay écrit à Bouillon le 18 juin, à Catherine du Bar le 18, Jacques de Constant, proche ami d’Aubigné, lui écrit le 28 mai, Tilenus aussi, le 22 juin. Du Moulin entreprend un récit de la dispute de Fontainebleau… Pas un mot sur Aubigné. Rien non plus de la part de Sully, ni de Jean du Sin, qui publie ses Lettres et occupations en 1602[18], qui y traite de la controverse autour de Madame, la sœur du roi, qui s’y adresse à Aubigné et lui pose une série de questions à propos de tout autre chose… et qui ne dit rien d’une rencontre de celui-ci avec Du Perron. Mais la source capitale, qui garde très longtemps sur cette rencontre un silence assourdissant, est Agrippa d’Aubigné lui-même. Il n’en dit pas un mot dans le Traitté des douceurs de l’affliction, publié selon G. Schrenck fin 1600 ou début 1601, qui intervient pourtant dans une  polémique théologique dont Du Perron est un des principaux protagonistes, alors qu’une si récente victoire eût été du meilleur effet. Rien non plus dans la Confession catholicque du sieur de Sancy, à laquelle il travaille au tout début du xviie siècle, et qui vise souvent Du Perron. Pourtant, il aime rappeler ses hauts faits. Pourquoi ce silence, avant des récits très tardifs ? En fait, la dispute apparaît dans son œuvre pour la première fois fin 1619 dans le tome III de l’Histoire universelle, près de deux décennies plus tard et surtout un an après la mort de Du Perron. Tout laisse penser qu’il construit son récit une fois que le cardinal n’est plus là pour le contester… Il se passe donc pour cette conférence ce qui se passe pour les soi-disant révélations du pseudo-Baronio, le mystérieux transfuge catholique qu’utilise Aubigné dans ses argumentations politiques : soi-disant reçues en 1601, elles apparaissent dans l’œuvre à partir de 1620[19]

      À une époque où la moindre discussion publique est aussitôt répercutée et exploitée par la propagande de chaque camp, le silence général des sources exclut un événement d’une quelconque importance[20].

Une dernière perplexité sur ce point. Le traité qu’il aurait écrit n’a apparemment pas été publié. Le flou de l’Histoire, qui parle d’extraits qui « se pourront voir imprimés »  – que le lecteur peut lire s’il le souhaite ? qui paraîtront peut-être ? – est dissipé par la correspondance, qui dit qu’il n’a encore rien publié (la dispute de Mornay et la sienne « seront vues en public, la première par la diligence des adversaires, et l’autre par la mienne si je puis », p. 650). En général, Aubigné publie vite. La Responce de Michau est parue aussitôt après la dispute avec Boulenger. Jusqu’à sa mort, il multiplie les éditions anonymes ou pseudonymes, des livres de 1616 au Fæneste de 1630. Mornay et Du Perron, comme leurs seconds, ont systématiquement recouru à l’imprimerie. Est-il possible qu’une victoire sur Du Perron, si importante en mai ou juin 1600, n’ait pas été publiée, et qu’Aubigné ait attendu des années avant de soumettre au roi son écrit ? Tout aussi étrange, le choix d’un écrit latin, De dissidiis patrum. Pour parler à l’opinion, la polémique théologique parle français. Mornay publie d’abord en français. Le latin vient après, pour l’opinion européenne. La seule exception concerne les essais de théologie systématique, des sommes comme les Panstratiae de Chamier, qui veulent contrer les Disputationes de Bellarmin. Pour une polémique parisienne, pour la cour, pour l’opinion française, le latin ne se justifie pas. Si Aubigné avait vaincu Du Perron, il aurait immédiatement publié, comme il l’a fait avec Boulenger, et il l’aurait fait en français.

      Un récit invraisemblable

Le roi est soucieux d’unité nationale. Applaudissant la conférence de Fontainebleau, il envoie un signal clair au pape alors que se prépare le mariage avec Marie de Médicis qui va sceller le rapprochement de Paris et de Rome. Quelques mois après, les efforts pour convertir sa sœur, Catherine du Bar, auront le même but. Mais le roi sait aussi qu’avec Mornay il s’aliène un de ses proches, et un des membres les plus influents du parti protestant. Prudent, il arrête vite la polémique. L’Estoile dit qu’après les premières exultations catholiques, alors que les deux camps publiaient des versions contradictoires, il « fit le holà entre les partis »[21]. Il n’a aucun intérêt à laisser les relations entre protestants et catholiques s’envenimer. Une nouvelle dispute avec Aubigné n’est pas envisageable pour lui. Elle ne rapporterait rien et ne pourrait produire que des résultats fâcheux. Aubigné vainqueur, la victoire de Du Perron est remise en question, et c’est un enchaînement sans fin de polémiques cautionné par le roi lui-même, ce que Rome n’eût guère apprécié : encore une fois, l’opinion catholique parlerait d’un double jeu, d’un roi machiavélique, converti en apparence seulement. Aubigné vaincu, ce seraient de nouvelles rancœurs. Dans la Lettre à Montausier, celui-ci écrit : « le Roy me tira à part se doutant d’avoir de moi quelque trait de liberté à laquelle il ne voulait point de témoins »[22]. Le monarque qui fuit l’éclat public pouvait-il offrir au turbulent, à l’imprévisible huguenot une scène où il puisse discourir librement devant quatre cents personnes ?

       Et Du Perron, ce prélat prudent et roué aux procédures comme en témoignent les préliminaires de la controverse de Fontainebleau comme de celle de Paris autour de Madame ? Allait-il remettre en jeu une victoire couronnant deux années de polémique sur le traité de Mornay ? Il ne le veut pas, et il ne le peut pas, question de hiérarchie et question de principe. Hiérarchie : un évêque de son rang et de son importance, « convertisseur » du roi en personne, négociateur, représentant de celui-ci lors de l’absolution pontificale de 1595, ne polémique pas avec un simple gentilhomme, pas plus qu’un duc et pair ne se bat en duel avec un hobereau ; il n’organise pas de festin pour lui. Pour Sully, pour Bouillon, peut-être. Pas pour le sieur d’Aubigné. Principe : un prêtre autorisé par l’Église l’enseigne le dogme mais n’en débat pas avec un laïc. Il lui faudrait une autorisation. Car débattre revient à soumettre l’autorité de l’Église au tribunal de la raison. C’est le refus de la raison en matière de foi qui conduit Montaigne à l’argumentation paradoxale dans l’Apologie de Raimond Sebond. Il défend le catholicisme, mais en sapant la raison, en décrédibilisant son propre discours, qu’il rend souvent carnavalesque : il ne faut pas qu’une pensée cohérente puisse se construire par elle-même, fût-ce pour défendre le catholicisme et le christianisme. L’Église catholique attaque les ouvrages protestants seulement pour les réfuter. Elle pratique la dispute sur les lignes de front, en Poitou ou Languedoc, pour reprendre des territoires, ou pour convertir une personnalité comme la sœur de roi. Mais elle ne veut pas de polémique ouverte. Le Nonce a d’abord été défavorable à la conférence de Fontainebleau : « les controverses de la religion ruinent plus qu’elles n’édifient », elles ne font que « remettre sur le tapis des questions résolues par l’autorité de l’Eglise[23]. » De plus ce débat dans le palais du roi et en sa présence place celui-ci en position d’arbitre dans ce qui pour elle relève de sa seule autorité. De Max Weber à Michel de Certeau pour qui le schisme entraîne une prééminence croissante du politique sur le religieux, ou à Olivier Christin qui parle d’une « autonomisation de la raison politique », l’historiographie s’accorde sur une « trajectoire de sécularisation »[24] qui inquiétait l’Église, et que Jean Bertaut ressent déjà vers 1601 :

Si jamais mon esprit conçut quelque espérance

De voir les deux partis qui divisent la France

Reconjoints en un seul, et comme ils n’ont qu’un roi,

N’avoir qu’une loi même et qu’une même foi,

Certes c’est maintenant…[25]

Le poète-évêque parle pourtant de deux partis : d’un débat politique. C’est de la monarchie (« un Roy ») qu’il déduit l’unité de la société (« une liy ») et de la religion (« une même foi »). Il subordonne la foi au pouvoir temporel. L’Église ne pouvait donc que se défier d’une dispute sous les auspices du roi. Pour ménager son autorité en matière de foi, celui-ci fait valoir que la conférence de Fontainebleau ne porterait que sur « l’examen des passages du livres du Plessis » « sans entrer sur aucun point de théologie au fonds »[26]. Le débat n’a pu se tenir qu’en se limitant à une discussion technique, philologique, sans entrer dans les articles de foi. Pas de discussion sur la présence réelle, qui ne se discute pas : des citations qu’on vérifie. Le catholicisme a été réticent à une dispute avec Mornay, un auteur reconnu, qui a frappé l’opinion. Il ne pouvait débattre avec Aubigné, qui n’a ni le savoir ni la notoriété de Mornay, qui n’a presque rien publié si ce n’est deux petits livres de controverse qui n’ont suscité aucun écho. En le faisant, il eût admis que la discussion pouvait se prolonger à l’infini et qu’un hobereau pouvait tenir tête à un théologien représentant l’Église.

      Trois conclusions se corroborent : le récit d’Aubigné est peu convaincant ; aucune source catholique ou protestante ne le confirme et lui-même n’en fait pas état pendant deux décennies ; il est totalement invraisemblable car pour la monarchie comme pour le catholicisme un nouveau débat était non seulement inopportun, mais inacceptable.

      Bien sûr, on peut toujours supposer qu’une rencontre fortuite ait donné lieu à des mots, une brève altercation verbale, voire, de la part d’Aubigné, à  un défi, peut-être en présence de quelques personnes. Il est impossible d’aller plus loin. Telles quelles, les affirmations de l’écrivain sont une affabulation qui lui permet, une nouvelle fois, de se poser en homme providentiel, qui sauve le protestantisme menacé par les conversions, comme à Coutras il a suggéré au roi la tactique victorieuse[27]

          2 Aubigné a-t-il contré une tentative de réunion des religions en 1607 ?

            Un nouveau récit de victoire théologique

Sa vie à ses enfans raconte ceci : « Trois mois avant la mort du roi », début 1610 donc, Aubigné est à Paris et débat avec Du Perron de projets d’« accord des deux religions », qui côté calviniste seraient portés par « nouveaux prévaricateurs gagnés [achetés] »[28]. Passons sur l’erreur chronologique, puisque les faits n’ont pu se produire que « trois ans » avant la mort du roi, comme le dit Gilbert Schrenck. Voyons ce récit, que rapporte aussi la Correspondance. En 1607, donc, Aubigné « alla descendre chez Monsieur du Moulin, où  il trouva Messieurs Chamier et Durant, et quatre autres pasteurs. » On parle de ces projets. Aubigné propose de « réduire toutes les controverses de l’Église aux règles qui se trouveraient avoir été fermement établies en l’Église primitive jusques à la fin du quatrième siècle[29]. » Chamier est d’accord. Aubigné va voir le roi, qui l’envoie trouver Du Perron. Après quelques gémissements captieux du cardinal sur « les misères de la chrétienté », Aubigné propose donc le retour au christianisme des quatre premiers siècles. Du Perron demande quarante ans de plus. Un peu plus, même, jusqu’au concile de Chalcédoine (451 après J.C.), soi-disant parce qu’il traite de l’élévation des croix, en fait parce qu’il établit l’autorité du pape[30]. Aubigné n’est pas dupe. Si le Pape s’érige au-dessus de la chrétienté, il peut décider souverainement sur tous les points litigieux[31]. Aubigné triomphe donc en expliquant au roi que vouloir dépasser les quatre premiers siècles revient à reconnaître que le catholicisme ne leur est pas conforme. Menacé de la Bastille, il paie d’audace, demande une pension et l’obtient. Une « Lettre de piété » donne un récit très proche[32].


            Un récit tout aussi peu confirmé

On a dit que ce récit est confirmé par le Journal du pasteur Daniel Chamier. C’est inexact. Chamier en effet parle d’une rencontre avec Aubigné à Charenton, le 2 décembre 1607[33]. Mais son récit est tout autre : il est venu à Paris plaider le transfert d’un collège de Die à Montélimar,  qui fait polémique. Il en parle au roi et à Sully[34]. Le 18 décembre il dîne chez Du Moulin. Pas d’autre convive, il ne parle pas d’accord des religions[35]. C’est seulement le 12 janvier que « M.  d’Aire », sans doute Henri de Cospéan, évêque d’Aire, lui dit qu’il a parlé au roi « de remettre l’Église en l’état qu’elle était aux quatre premiers siècles » (p. 44). Puis le 9 février Sully lui rapporte des propos de Du Perron : sur la transsubstantiation et le culte des images, « il y avait des expédients », Sully « en croirait ce qu’il voudrait, « on lui donnerait un privilège et à toute sa race de communier sous les deux espèces » (p. 49). Enfin, le 12 mars le roi parle à Chamier de son projet « d’assembler un concile. »

            Toute cela se fait sans Aubigné. Chamier ne mentionne aucune discussion théologique à Charenton début décembre, ni aucun dialogue direct avec des catholiques ou entre pasteurs sur la réunification des religions, aucun mandat donné à Aubigné pour parler avec Du Perron, aucun échange avec celui-ci. Il nous apprend aussi qu’Aubigné quitte Paris le 15 janvier (p. 47), alors que les échanges autour d’une réunion des religions viennent à peine de commencer (le 12), et que Du Perron n’apparaît que début février.

Comme pour la soi-disant dispute avec Du Perron en match retour de la défaite de Mornay à Fontainebleau[36], le récit de l’écrivain le pose en champion calviniste qui triomphe d’un piège. Mais la chronologie du Journal de Chamier est différente, et pas plus qu’aucune autre source, il ne confirme le récit d’Aubigné, alors que les pasteurs en eussent été nécessairement informés.

… Et tout aussi invraisemblable

Invraisemblable, en effet, que Henri IV, fin tacticien, recoure en 1607, alors que les esprits œcuméniques ne manquent pas, comme on va le voir, à un protestant parmi les plus intransigeants, et qui s’oppose à lui depuis les négociations de l’Édit de Nantes, et que Coton vient d’accuser (à tort) d’avoir écrit un pamphlet contre les jésuites[37], que le roi vient de les rappeler dans le royaume? Qu'il passe par un gentilhomme et non par des ministres, de qui relèvent tout de même les questions de dogme[38]. Le récit de Chamier fait bien intervenir un gentilhomme, Sully. Mais il est beaucoup moins raide qu’Aubigné, il est proche du roi[39], il est en bons termes avec Du Perron. Et si le roi l’utilise, c’est seulement pour toucher les ministres, non pour négocier avec les catholiques. Autre invraisemblance, plus grande encore que pour la soi-disant conférence de 1600 : un homme d’église ne peut débattre en public devant « quelques cardinaux et jésuites »[40], d’une réforme de la foi et du dogme. Il n’en a pas le droit : on se souvient des fortes résistances du clergé au moment du concile de Poissy, que n’ont rendu possible que le fort engagement de Catherine de Médicis et du chancelier de l’Hospital, et les tensions entre le clergé français et Rome. Les circonstances sont tout autres en 1607. Quant à Henri IV, s’il a pu imaginer une église gallicane affranchie du pape et intégrant les calvinistes, s’il a pu voir d’un bon œil certains esprits y travailler, il ne pouvait pas aller plus loin publiquement en 1607. Il a eu beaucoup de mal à se faire accepter des catholiques et Ravaillac, en 1610, prouve que la partie n’a pas été tout à fait gagnée, comme l’a montré Mousnier. Le roi ne pouvait pas prendre un tel risque.

            Un autre point rend le récit décidément suspect : la question des quatre premiers siècles du christianisme se retrouve partout dans la controverse théologique, puisque les protestants accusent le catholicisme d’avoir dénaturé et falsifié le christianisme originel[42] et que, comme l’écrit Du Moulin à ce sujet, « nul ne peut nier que la vérité ne soit plus ancienne que le mensonge, puisque le mensonge est une corruption de la vérité[41] ». On scrute donc les premiers Pères, les premiers conciles. Il était impossible de surprendre Du Perron sur un point aussi débattu. Un controversiste aussi averti ne serait jamais tombé dans le piège un peu gros qui lui est tendu, pas plus qu’il ne pouvait être désarçonné, lors de la soi-disant controverse de 1600, par un syllogisme sur les contradictions des Pères. Dans les deux cas, Aubigné révèle son amateurisme.

Son récit dans lequel une fois de plus il se retrouve embarqué dans une situation « de péril et d’honneur »[43] qu’il retourne à son avantage tout en sauvant son camp et en échappant avec panache à une sanction[44], est donc probablement une nouvelle affabulation.

            Un récit ambigu : la tentation œcuménique.

            Elle ne manque pas d’intérêt, cependant. Elle fait état d’une hostilité du cardinal du Perron à Rome, et du désir d’Henri IV de parvenir à réunir les deux religions, un désir récurrent dans la monarchie française, et qui a parfois failli se réaliser sur fond de gallicanisme et parfois de tensions violentes avec Rome, que ce soit au moment de la crise gallicane de 1552 où se situe le Quart livre de Rabelais, du concile de Poissy (1560), et surtout des tensions entre le moment de l’abjuration et du sacre du roi, et l’absolution pontificale de 1595. En 1552 et en 1594, Henri II et Henri IV ont pensé à rompre avec Rome. En 1607, l’Interdit de Venise a fait croire aux protestants mais aussi à des gallicans comme De Thou et les Dupuy, que la Seigneurie allait se détacher de Rome. Des esprits iréniques comme Villiers-Hotman, le pasteur nîmois Cornille, le Genevois Denis Perrot, s’activent, rééditent Cassander, Melanchthon, Bucer[45]. C’est à cette occasion qu’Agrippa d’Aubigné écrit sa Lettre au doge dans laquelle il plaide pour une conciliation irénique du calvinisme et d’un catholicisme non romain, en confiant à une conférence le soin de décider la question de « l’invocation des saints, de l’usage des images, la prière pour les morts », et en tenant question du salut, la foi, les œuvres, la prédestination…, pour inaccessible à l’homme... Il s’est intéressé de près à la question. À Genève, il aura des livres de Bauduin et de La Primaudaye, deux « moyenneurs », dans sa bibliothèque[46].

            Il parle d’un roi de France qui eût pu s’arracher à Rome, d’un christianisme dépassant le schisme. Le rôle qu’il assigne à Henri IV n’est pas clair. Dans la soi-disant conférence avec Du Perron, il semble vouloir humilier l’écrivain en le poussant à une déroute aussi totale que celle de Mornay. Ici, on ne sait pas. Chez Aubigné, les conciliations théologiques, quand ce n’est pas lui qui les propose, sont des pièges, comme celui de la « ruse de Mantes », des pasteurs prévaricateurs se seraient laissés dominer par leurs interlocuteurs catholiques et auraient ainsi légitimé la conversion d’Henri[47].Il dénonce les « adiaphoristes », qui escamotent les points de différence ou les tiennent pour des vétilles. Ici, pourtant, si le piège est tendu par Du Perron avec sa proposition d’aller jusqu’au concile de Chalcédoine, Henri IV reste sympathique, de l’enthousiasme initial à sa générosité finale avec l’octroi d’une pension.

            Le récit n’est pas confirmé par le Journal de Chamier. Invraisemblable, presque naïf, il n’est pas crédible. Une affabulation narcissique ? Un héros lucide, perspicace, sauve une fois de plus son camp. Mais le récit laisse peut-être entendre quelque chose de plus. Dans le premier échange avec Du Perron dans Sa vie, l’hypocrite prélat demande « s’il n’y avait point besoin de faire quelque chose de bon. » Aubigné aurait répondu : « Non : car nous ne sommes pas bons »[48]. Triste constat : on ne peut s’entendre et dépasser le schisme, on reste séparé d’un roi irrémédiablement catholique. En rêvant de triomphe, le récit exprime aussi une nostalgie.

          3 Une dispute sur l’eucharistie avec Pierre Coton ?      

      Nouveau récit de victoire…

Une autre « Lettre de pieté » rapporte une discussion avec Pierre Coton. Elle ne peut se passer qu’en janvier 1610 car elle mentionne la présence du prince d’Anhalt, arrivé à Paris le 4 du mois. Encore une fois, Henri IV lance l’affaire. Il veut rapprocher Coton et Aubigné. Un jour, Fervaques met les deux hommes sur le terrain de la théologie. Coton « m’attaqua », « il me prit envie [...] de venir aux prises »[49]. On débat, devant « sept ou huit princes et plus de 200 gentilshommes pour témoins »[50],  à une « grande fenêtre » : une discussion civile devient dispute publique.

      Coton presse Aubigné de se convertir. Celui-ci répond qu’il ne peut voir « une miette de salut » dans l’église catholique. « Voilà, Monsieur, dit Coton, la tromperie qu’ont exercée sur vous les traducteurs d’Allemagne », et il allègue un passage de Théodoret que les protestants allègueraient à tort contre la transsubstantiation. Coton regrette de ne pas disposer du livre grec.. mais Aubigné le cite de mémoire, et réfute la traduction de Coton par un point de grammaire, en terminant souverainement par un bon mot : à Fervacques qui trouve que Coton est tout de même un « rude homme », un adversaire redoutable, il rétorque qu’il « était aux rudiments », au B.A.-BA : c’est un apprenti, ou un lourdaud…

      Le débat porte donc sur un passage de l’Eranistes de Théodoret de Cyr qui intéresse le dogme catholique de la transsubstantiation. Selon ce dogme, l’hostie dûment consacrée par le prêtre est réellement le corps du Christ. Si elle garde l’apparence matérielle du pain, sa substance est transformée. Mais Théodoret explique que les symboles sacramentels ne perdent pas leur propre nature après la consécration :

                Μενεῖ γὰρ  [τὰ ἀγία / μυστίκὰ σύμβολα] ἐπὶ τῆς προτέρης ὀυσίας καὶ [τοῦ ] σκήματος καὶ ἐιδοῦς.


Gentian Hervet, éditeur et traducteur catholique du Père grec, traduit :

                 Manent enim in priore substantia et figura et forma[51].

Les symboles sacramentels conservent leur substance, apparence et forme originelles après la consécration. Or si la substance perdure dans sa première nature, le dogme catholique est pris en défaut, qui affirme que seules les « espèces », l’apparence physique, demeurent, tandis que la substance a été transformée. Mornay a utilisé le passage[52] (comme nous allons le voir, c’est un cheval de bataille de la controverse). Pour contrer cette citation devant Aubigné, Coton propose une autre traduction :

Nous avons un passage du Père que j’ai allégué lequel parlant de la sacro-sainte Eucharistie dit ces mêmes mots : manent autem sacra symbola in prioris substantiae forma et figura. Les traducteurs d’Allemagne ont mis autrement à savoir in priori substantia forma et figura. S’il y avait In prima substantia, à la vérité ce positif prima prononcerait pour vous autres [trancherait en votre faveur] : mais le mot de prioris coupe la gorge à toutes vos raisons, pource que vous ne sauriez interpéeter prioris autrement que de la substance qui était auparavant et par conséquent qui n’est plus. Vous m’avez dit ces jours que vous saviez fort peu de grec : mais vous n’en pouvez savoir si peu que vous ne sachiez comment ils n’ont point d’ablatifs : tellement qu’il faut interpréter les génitifs ou bien en génit[if]s mêmes, ou bien en l’ablatif des Latins : et c’est  pourquoi l’interprétation convient bien à dire in prioris substantiae forma, et figura, et ne sauriez aller au contraire sans estre veuf de jugement[53].

La traduction de Coton change tout : les symboles sacramentels conservent après la consécration les seules apparence et forme de leur substance antérieure, mais celle-ci a changé. Il reproche donc aux protestants de suivre les traductions allemandes (en latin), qui faussent le texte en substituant « in priori substantia forma et figura » (dans sa substance, forme et figure originelles) à « in prioris substantiae forma et figura » (dans la forme et figure de sa substance originelle). Dans le premier cas, après la consécration, le morceau de pain garde intégralement sa nature, reste morceau de pain ; dans le second, il garde seulement l’apparence de sa première nature, qui a changé : il est devenu en réalité le corps du Christ. Le jésuite éclaire son argument par la distinction entre primus et prior. Soit on traduit par « conserve la forme et la figure de sa première (prima) substance », soit on traduit par « … de sa substance antérieure (prioris) », ce qui suppose que cette substance n’est plus : c’est bien sûr la bonne traduction pour Coton.

La réponse d’Aubigné est triple :

Premièrement en ce qui est des traducteurs d’Allemagne : secondement à la force que vous faites sur le terme de Prioris et Primus que vous avez mis au positif quoi qu’il soit superlatif. Pour le tiers à la construction grecque desquels les génitifs s’interprètent quelque fois en génitifs mêmes, quelquefois en ablatifs. Je dis au premier que si Gentian Hervet avec ses compagnons de la Sorbonne, si les Jésuites Maldonat, Sanderus, Hardingus, et enfin votre grand maître Bellarmin sont traducteurs d’Allemagne[,] vous avez bien parlé : car il a interprété la clause syllabe pour syllabe comme vous l’attribuez aux traducteurs d’Allemagne [...]. Mais bien injustement sur la pauvre interprétation française du terme prioris qui ne peut détruire τό prius per posterius quand vous faites en Christ duo tempora, prius in statu glorificationis, posterius humiliationis. Le second état ne ruine point bien qu’il distingue, ce qui estoit du premier. Pour mettre donc au jour la vérité et quérir notre passage, il le faut rendre à sa langue originelle. [...] Je poursuivis donc en prononçant le texte. Μενεῖ γὰρ τὰ ἀγία σύμβολα ἐπὶ τῆς προτέρης ὀυσίας καὶ σκήματος καὶ ἐιδοῦς. Or pour montrer clairement qui interprète le mieux : ou ceux qui ont traduit des trois génitifs l’un en génitif, les deux autres en ablatifs, disant « In prioris substantiae forma et figura » en dérobant l’Et, et le καὶin priori substantia forma et figura. qui est apres ὀυσίας, ou ceux qui ont traduit les trois génitifs en trois ablatifs, et ont tourné ἐπὶ τῆς προτέρης ὀυσίας καὶ σκήματος καὶ ἐιδοῦς,

La réponse repousse d’abord l’accusation de suivre les Allemands. Car in priore est également retenu par des catholiques de premier plan : Gentian Hervet (londonien passé à Louvain), Nicolas Sanders, Juan Maldonado, Thomas Harding, un Anglais attaqué par l’évêque anglican Thomas Jewell dans un livre qu’Aubigné possédait à Genève, et enfin, le champion des champions, Robert Bellarmin, lequel en effet conserve « in priore substantia »[54] – mais à propos, selon lui, des symboles externes, nous y reviendrons. Les catholiques sont donc d’accord avec les « Allemands ».

            Il fait valoir ensuite que la distinction entre primus et prior n’est pas pertinente : lorsque les catholiques distinguent à propos du Christ l’état de la glorification (prius un statu glorificationis) de celui de l’humiliation lorsqu’il est homme et subit la Passion, ils utilisent prius qui n’implique nullement qu’au moment de l’humiliation, le Christ a cessé d’être divin.

Enfin, Aubigné affirme que la coordination καὶ (et) associe forcément des objets grammaticaux de même fonction, alors que Coton veut rendre en latin trois génitifs grecs par un génitif suivi de deux ablatifs. Coton n’aurait su quoi rétorquer.

            Un débat ancien

            Le débat texte de Théodoret a été maintes fois discuté en grec, en latin et en français. Mornay l’allègue, il est débattu par Coton avec Chamier à Nîmes en 1600, et déjà, un distinguo de Coton ne rapporte pas le propos du Père à la substance proprement dite :

Théodoret parle de l’essence, et non de la substance : car au grec, il y a ὀυσία et non ὑπόςασισ (sic) : et il est très vrai que l’essence, la forme, et la figure demeurent aux accidents, voire avec les conditions émanées de la substance[55].

L’essence est distinguée de la substance. Il peut y avoir une essence des accidents, tandis que la substance est la réalité profonde qui se distingue d’eux. C’était déjà la position de Bellarmin qui considérait que Théodoret parlait de la nature externe du sacrement. Réponse de Chamier :

Pour Théodoret, le mot ὀυσία est ordinairement pris non pour essence simplement, mais pour substance, sujet des accidents : témoins les écoles [la scolastique]. Theodoret  donc est corrompu, quand on veut faire croire que le mot ὀυσίa signifie les accidents : chose dont on n’avait jamais ouï parler[56].

Le problème ne change pas dans les années qui suivent mais n’est plus seulement lexicologique. Il devient grammatical, toujours dans le but d’empêcher d’alléguer Théodoret contre la transsubstantiation. C’est en 1608, dans le Pourparlé entre le R. Pere Coton, de la Compagnie de Jesus, et le S. Gigord, Ministre de la Religion pretendue Reformee à Mont-pelier,  que Coton développe le nouvel argument. Il cite Théodoret « mot à mot », prétend-il :

Car après la consécration les symboles mystiques ne perdent point leur naturelle propriété, attendu qu’ils demeurent en l’espèce et figure de la première substance, et peuvent être vus et touchés comme auparavant. Mais on les conçoit tels qu’ils sont faits, et on les croit et adore, comme étant ce que nous en croyons. Or d’autant que l’on produisit quelques traductions latine imprimées en Allemagne conformes à l’objection, le père fit connaître d’où venait l’équivoque, qui est que de trois génitifs, le premier seul va en génitif, les deux autres en ablatif μενεῖ γὰρ manent enim ἐπὶ τῆς προτέρας ὀυτίας in prioris essentiae (ou substantiae) καὶ τω σκήματος καὶ τω ἐιδους, et figura et specie, De quoi le traducteur ne s’étant aperçu, avait rendu les trois génitifs en ablatif : encore que les paroles suivantes, on les croit et adore suivant ce que la foinous en dicte, l’en eussent dû admonester[57].

Trois génitifs grecs se rendent en latin par un génitif et deux ablatifs. Coton cite littéralement ces lignes dans son Institution catholique où est declaree et confirmée la vérité de la foi, contre les hérésies et superstitions de ce temps[59]. Du Perron adopte l’argument dans son Traitté du sainct sacrement de l’eucharistie[60].

      Si Aubigné met en scène Coton dans un débat sur la traduction des Pères, c’est que le jésuite a choisi cet angle d’attaque dans sa  Geneve plagiaire, Ou Verification des depravations de la parole de Dieu, qui se trouvent és Bibles de Geneve[61]. C’est à ce livre que Bénédict Turretin répond dans sa  Defense de la fidélité des traductions de la S. Bible faites à Genève, opposée au livre de Pierre Coton… intituté Genève plagiaire[62]. La réponse de cet ami d’Aubigné est dans sa bibliothèque à Genève. Or le livre de Coton date de 1618, et c’est le contre-argument de Turretin qu’Aubigné aurait utilisé contre Coton en 1610[63]… Bien sûr, en 1610, on vient de le voir, Coton a déjà débattu de la traduction de Théodoret : tout vient du livre de Mornay sur l’eucharistie. Mais en 1610 le jésuite se signale à la cour surtout par son amabilité, sa courtoisie, sa théologie « familière » et amène. La question de la traduction s’impose à son sujet plus tard, au moment du livre de 1618. Encore une fois, un propos situé à une époque ne peut s’entendre qu’en fonction d’une date de rédaction plus tardive : des lettres que leur sujet pourrait situer à une certaine date, ici peut-être 1610 ici, ont été en fait conçues dans la vieillesse genevoise.

            Un dialogue livresque… et invraisemblable

            Laissons les vrais hellénistes et les vrais théologiens débattre des mots de Théodoret. Dans son récit, Aubigné caractérise peu la langue de Coton. Il lui prête seulement une expression imagée, veuf de jugement, qui serait caractéristique, et que le baron de Calopse épingle dans le troisième livre (1619) des Avantures du baron de Fæneste: « Je vous dis, que vos discours sont spurques [sales] d’impertinences, d’incongruités : et comme dit Coton “veuve de jugement”, il échet rem acu tangere »[64]. Du Bellay, dans la partie des Regrets sur la cour, parlait déjà d’un « labeur / Veuf d’applaudissement »[65]. Coton parle en courtisan. Mais pour le reste, il parle surtout comme un livre, comme le livre auquel les propos qui lui sont ici prêtés sont empruntés. Aubigné écrit avec sa bibliothèque plus qu’avec sa mémoire.

            De quoi faire douter de l’anecdote. D’autant que sa propre réponse n’apporte rien au débat : elle allègue un principe de grammaire simple, qu’une véritable dispute eût certainement grandement compliqué, et qui figure dans le livre de Benedict Turretini, qui ne cite pas du tout son ami Agrippa d’Aubigné. Cette anecdote est aussi peu crédible que les deux premières : on n’imagine toujours pas un homme d’église débattre avec un gentilhomme devant plus de deux cents personnes dans une galerie du Louvre ou de Fontainebleau, on n’imagine pas Aubigné, même lui, récitant par cœur, à l’improviste, du Théodoret de Cyr, on n’imagine pas Coton décontenancé par une réponse qui n’apporte rien à la controverse telle qu’elle s’est déroulée précédemment par écrit et par oral.

            Les trois récits constituent des variations sur un même scénario. Chaque fois le roi initie le mouvement. Chaque fois Aubigné est aux prises en public avec un champion catholique de haut niveau, qui l’aborde aimablement – la « contenance douce » de Satan « déguisé en ange de lumière »[66]. Chaque fois il tranche sur les civilités en opposant le poing fermé du syllogisme à la main ouverte de la rhétorique, la précision philologique aux arguties interprétatives. Le théâtre de ces rencontres est la cour. Le débat se tient sur une scène politique, et ne se sépare pas de la relation rompue avec le roi.

            Les trois récits ne sont jamais confirmés par des sources extérieures comme c’est si souvent le cas dans l’autobiographie et dans l’Histoire, ce qui invite la critique à la circonspection vis-à-vis d’un auteur qui par ailleurs dans l’histoire comme dans tous ses écrits, est régulièrement pris en flagrant délit d’affabulation.

Les trois récits ne sont pas vraisemblables. Ni Du Perron, ni Coton n’auraient accepté une dispute avec un gentilhomme, qui plus est devant des auditoires prestigieux. Ils ne pouvaient être battus à plate couture sur des terrains où ils excellent, le syllogisme, la connaissance des Pères et du premier christianisme, alors même que les arguments qui les écrasent sont peu originaux, et simples. Les livres d’Aubigné contre Boulenger ont un haut niveau de technicité logique et puisent dans un riche stock de citations bibliques et d’ouvrages de référence comme celui de Sibrand Lubbert. C’est qu’ils ont été écrits en équipe, Aubigné y emploie un « nous » qui n’est pas un pluriel d’auteur[67]. Dans les récits qui nous occupent, tout est beaucoup plus sommaire. C’est qu’il est seul lorsqu’il écrit l’Histoire, Sa vie à ses enfans ou certaines Lettres de piété : il traite alors la controverse dans un registre plus amateur. Amateur éclairé, certes, mais amateur. Du Perron et Coton sont des professionnels.

            Il affabule. Nous n’avons pas à porter de jugement moral sur un auteur dont nous séparent quatre siècles, qui appartient à une époque où le mot de vérité recouvrait certainement autre chose que ce que nous entendons. Pour ne retenir que des écrits particulièrement préoccupés par ce mot, ceux des hommes de religion, force est de constater que les hagiographies, les martyrologes, les récits de prodiges et de miracles (qui s’invitent souvent dans le récit historique), ont une conception de la vérité très différente de la nôtre. Mieux vaut réfléchir sur cette différence que juger.

            L’originalité d’Aubigné est d’affabuler pour sa propre personne. Son histoire, ses mémoires, ses lettres, les fragments d’autobiographie qu’on trouve dans les Tragiques et dans les notices de ses sonnets satiriques, composent une vie où la cour des Valois, ses poètes, ses fêtes et ses turpitudes, la destinée d’abord admirable d’Henri de Navarre, les combats du parti protestant se rassemblent. « Le type vivant, l’image abrégée » de son siècle, Sainte-Beuve l’a dit[68]. Tous les grands moments, les persécutions, l’évasion de la cour, la geste militaire, la lutte pour le parti, la défense de la vérité protestante, passent par lui. Il a voulu rassembler son temps dans un récit providentiel qui chaque fois, par les risques encourus, par la soudaineté des décisions, la capacité à trancher dans une situation, sauve une vérité que le monde refuse. En assumant tout son temps dans sa personne, il répond par une fiction de soi à la déception de l’histoire et au deuil du roi. L’histoire divorce des grands principes, la théologie politique de la monarchie capote dans la figure pathétique et tragique d’Henri IV, les « maquignons de Satan »[69] commercent. Il s’oppose en inventant sa vérité. Il gagne toujours, l’emporte toujours, toujours dans des fictions de souvenirs solitaires, dans une autobiographie en marge de la grande histoire. Celle-ci, par ailleurs, continue. Alors que ses fictions biographiques prétendent retourner l’échec, en fait elles l’intègrent.



[1] A Maillezais, par Jean Moussat, 1619. Nous devons à Éric Surget cette découverte.

[2] Evreux, chez Anthoine le Marié, 1600.

[3] Ibid. signet Aij.

[4] S.l. 1600.

[5] Voir « La célèbre conférence de Fontainebleau entre Du Plessis-Mornay et le Cardinal du Perron d'après les sources et l'opinion des juges. 1600 », Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français, Vol. 6, N° 9/10 (1858), p. 351-361.

[6] Pierre de L’Estoile, Memoires-Journaux, éd. Brunet, Champollion et al., Paris, Librairie des Bibliophiles, 1875-1883, VII, p. 226

[7] Paris, STFM, 1986, p. 164-165.

[8] Ed. Thierry, IX, Genève, Droz, 1995, p. 278.

[9] Cette référence à Cedrenus n’est pas claire. Il n’a pas été question de cet auteur lors de la controverse entre Mornay et Du Perron, aucune relation ne le mentionne. À Fontainebleau, on a examiné des citations de Scot, Durand, Jean Chrysostome, Jérôme, Cyrille d’Alexandrie, du Corpus juris civilis, de Bernard de Clairvaux. Aubigné veut dire que si les citations qu’a produites Mornay étaient des citations catholiques, elles plaidaient en fait pour le dogme protestant.

[10] Correspondance, éd. M.-M. Fragonard, Paris, Garnier, 2016, p. 650-659.

[11] Ibid., p. 659.

[12] T 153, f° 61 v°, Corr. p. 1101-1102. La lettre est datée du 26 février 1626.

[13] Ibid. p. 650.

[14] Archives Nationales, Minutes et répertoires du notaire Mathieu BONTEMPS, 1er octobre 1581 - 12 novembre 1621 (étude LXXIII).

[15] « La conference du cardinal du Perron, avec le sieur du Plessis Mornay sur les differens de la religion » : « Le roi étant à Paris dit qu’il y voulait passer la fête de la Pentecôte et commanda au sieur d’Evreux d’y prêcher, ce qu’il fit le dimanche jour de ladite fête et le lundi ensuivant en l’église Notre-Dame où le roi avec plusieurs princes et seigneurs catholiques et huguenots assista, et une telle affluence de toutes sortes de personnes que la nef en était quasi toute remplie. » (BNF, ms. Fr. 15813, recueil constitué par le cardinal Bentivoglio, f° 190 v°).

[16] Charlotte Arbaleste de Mornay, Memoires, Paris, Renouard, 1868, p. 386.

[17] Correspondance, p. 655.

[18] Voir G. Schrenck, en introduction à Aubigné, Traitté des douceurs de l’affliction, Paris, Garnier, 1614, p. 64-66.

[19] Voir Écrits politiques, éd. J.-R. Fanlo, Paris, Garnier, 2020, p. 94 sq.

[20] C’est le jugement de l’abbé Féret (p. 217-218).

[21] L’Estoile, Mémoires-Journaux, VII, p. 226.

[22] Correspondance, p. 651.

[23] Pierre Matthieu, Histoire de France, Paris, Jamet Metayer, 1605, p. 253. Pierre Féret, Le cardinal du Perron, orateur, controversiste, écrivain : étude historique et critique, Paris, Didier, 1879, p. 156-157.

[24] Dans L’Écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975, deuxième partie, et Le Lieu de l'autre. Histoire religieuse et mystique, L. Giard édit., Paris, le Seuil, 2005, chap. I. Voir aussi La Fable mystique, Gallimard, 1975, p. 33, où dans une analyse inspirée par Alphonse Dupront, l’auteur explique que « cet “éclatement fatal de l’ancienne religion de l’unité” reporte progressivement sur l’État la capacité d’être pour nous l’unité référentielle » (p. 32).Voir aussi Jean-Claude Monod, « Inversion du pensable et transits de croyance : la trajectoire de sécularisation et ses écarts selon Michel de Certeau », Revue de Théologie et de Philosophie, Troisième série, Vol. 136, No. 4, Lire Michel de Certeau, 2004, p. 333-346.

[25] « Discours au Roy sur la conference tenue à Fontainebleau », Recueil des Œuvres poetiques, Paris, Lucas Breyer, 1605, p. 128.

[26] Matthieu, Histoire de France, p. 253.

[27] Voir HU VI, p. 135-136.

[28] Sa vie, p. 172.

[29] Ibid. p. 172-173.

[30] Ibid., p. 175.

[31] Voir Sancy, II, ii : « Étant chose très malaisée de détruire l’opinion des huguenots par disputes, ni par persécutions, nous avions très bien désigné d’y procéder par réunion des religions, par les ouvertures et intelligences de nos ministres gagnés [corrompus] : mais de six qu’ils étaient, il y a cinq morts et l’autre chassé. Pour certain il n’y avait point de danger de leur quitter force points théologaux, pourvu que l’autorité de l’Église et du pape demeurassent entiers. La raison en est prompte, que eux s’étant soumis à l’autorité, eussent facilement après perdu les raisons par elle. » Voir aussi HU, X, p. 39-40.

[32] Correspondance, p. 643-649.

[33] Journal de son voyage à la cour, éd. Charles Read, Slatkine, 1858, p. 40. C’est à Charenton que se faisait le culte calviniste, à l’extérieur de Paris. Chamier et Aubigné se rencontrent le dimanche au temple.

[34] Ibid., p. 22, 23, 33, 37.

[35] Ibid., p. 42.

[36] Voir ici-même.

[37] Voir Mornay, Memoires, 1652, I, p. 171-172, et Scaliger, dans les  Epistres françoises des personnages illustres et doctes, à mons. Joseph Juste de la Scala,  Harderwyck, chez la veuve de Thomas Henry, 1624, p. 526-527.

[38] Le cas de Mornay en 1600 était tout à fait différent, il avait déjà publié deux livres majeurs de controverse théologique, c’était « le pape des huguenots ».

[39] Le rapprochement d’Aubigné avec Henri IV se fait en décembre 1608 avec la publication d’un éloge du roi qui vaut à l’écrivain une pension, et peut-être, début 1610, la charge de vice-amiral de Saintonge. Pour autant, Aubigné ne redevient pas proche d’Henri IV.

[40] Sa vie, p. 175-176. « Cinq ou six princes, deux cardinaux et autant de jésuites » dit  la Correspondance (p. 645).

[41] Eaux de Siloé, pour esteindre le feu de Purgatoire, et noyer les Traditions, les Limbes, les Satisfactions humaines et les Indulgences Papales, La Rochelle, 1608, p. 219-220.

[42] Voir Pontien Polman, L'Élément historique dans la controverse théologique du xvie siècle, Louvain, Gembloux, 1932.

[43] Sa vie, p. 101.

[44] Comme lors de l’ambassade aux États de Blois, HU, V, p. 123-125, ou avec Henri de Navarre, Sa vie p. 101.

[45] Voir Corrado Vivanti, Lotta politica e pace religiosa in Francia fra Cinque et Seicento, Turin, Einaudi, 1963, dernier chapitre, et Aubigné, Ecrits politiques, p. 153-155.

[46] Voir ici-même, l’Inventaire après décès de sa bibliothèque genevoise.

[47] Voir Ecrits politiques, p. 150-153.

[48] P. 173.

[49] Corr. p. 665-666.

[50] Ibid. p. 664.

[51] Opera omnia, trad. Gentian Hervet, Migne, Patrologiae cursus completus, series graeca, IV, 1864,  col. 167.

[52] De l’Institution, usage et doctrine du sainct sacrement de l’eucharistie, Saumur, Thomas Portau, p. 1038.

[53] Corr. p. 667-668.

[54] Disputationum Roberti Bellarmini… De controversiis christianae fidei tomus secundus, Ingolsdadt, Ex officina Davidis Sartorii, col 655.

[55] Les Actes de la conference tenue à Nismes entre Daniel Chamier, ministre du sainct Evangile [...], et Pierre Coton jesuite, predicateur audit Nismes, Genève, Gabriel Cartier, 1601, p. 36.

[56] Ibid., p. 37. Chamier revient sur cette citation, qu’il donne en latin et en grec, dans ses Epistolae jesuiticae, Ambergae, Typis Johannis Schönfeldi, 1604, p. 64.

[57] Lyon, Pierre Rigaud, 1608, p. 64.

[58] Paris, Claude Chappelet, 1615, p. 733. Éd. princeps, 1610.

[59] Lyon, Claude Morillon, 1620, p. 392.

[60]  « Il y a une amphibologie au texte grec de Théodoret, introduite vraisemblablement de propos délibéré en ce passage, à cause de la qualité du sujet et des auditeurs, devant lesquels comme il venait de protester, pour être mêlés de personnes non initiées, il ne lui était pas permis de parler clairement de cette matière. [C’était l’argument de Bellarmin]. Car le texte originel est capable de deux régimes : l’un, qui construisant les trois génitifs grecs en forme d’ablatifs latins ; et les faisant gouverner tous trois par la proposition précédente, produit de mot à mot ce sens, Ils demeurent en la première substance et forme et figure », qui est le sens que suit l’interprète latin, et après lui le sieur du Plessis : L’autre, qui construisant le premier génitif grec en forme de génitif, que les grammairiens appellent possessifs, et les deux seconds en forme d’ablatif latin, et les faisant gouverner les deux seconds par le premier, et le premier par la préposition ἐπὶ produit cestui-ci, Ils demeurent en la forme et en la figure de la première substance. [Du Perron soutient la seconde option] Car que cette construction soit non seulement possible ou admissible, mais même fréquente et ordinaire en la langue grecque, voire plus ornée et élégante que l’autre, il n’y a homme, pour peu versé qu’il soit en la lecture des auteurs grecs qui ne le sache, et qui n’ait appris par mille exemples, que les Grecs prennent plaisir et constituent une des délices de leur langue en la transposition du régime des génitifs, c'est-à-dire, à mettre les cas qui gouvernent les génitifs, après les génitifs qu’ils gouvernent. Et que lorsqu’il se rencontre deux génitifs, dont l’un gouverne l’autre, ils tiennent pour élégance et ornement, de mettre le gouvernant après le gouverné : voire sans laisser l’article du gouvernant devant celui du gouverné. Comme quand Plutarque… » (Paris, Paris, Antoine Estiene, 1622, p. 539-540).

[61] Paris, Claude Chappelet, 1618.

[62] Genève, P. et J. Chouët, 1618.

[63] « En exposant Théodoret Dial . 2 par sa vaine subtilité, il le fait parler un grec ridicule [...]. Non plus entreprend l’adversaire de satisfaire à ce qui est en la p. 326 de la Def. où est réfutée l’exposition qu’il recuit en ce lieu de trois génitifs, inepte à la langue grecque [...]. Il nous parle des traductions imprimées en Allemagne, et on lui a produit Hervet et Bellarmin, l’un Français, l’autre Italien, tous deux grands suppôts du Pape » (Defense de la fidelité des traductions de la S. Bible faites à Geneve, Genève, Pierre et Jaques Choüet, 1619, p. 110).

[64] III, xxii, éd. Fanlo, Fragonard, Schrenck, Servet, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 283.

[65] Sonnet 146, v. 9-10.

[66] Les Tragiques,V, v. 49 et 42.

[67] La Responce de Michau l’aveugle, Paris, Champion, 1995, p. 33.

[68] Sainte-Beuve, cité par Schrenck, « La réception d’Agrippa d’Aubigné au XIXe siècle », Albineana, 1988, 1, p. 53.

[69] Les Tragiques, VII, v. 99.












































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































































                                     
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