Documents biographiques

LE MANUSCRIT CLAIRAMBAULT

.........................................

f° 17-18 Villette à Pontchartrain

21 septembre 1616.

Edition : Schrenck, Albineana 5, p. 133-135. Correspondance 1350-1352.

« Monsieur Je pensais vous porter moi-même les premières nouvelles de l'état des choses de deçà. Mais ayant appris que M. de Rohan est en chemin je l'attends, ou la certitude de ce qui est de lui, pour vous aller trouver mieux instruit, cependant persévérant en la fidélité et passion où je veux vivre et mourir tant envers leurs Majestés qu'à votre particulier et connaissant votre bonne et sûre intention au bien public, je ne veux point perdre d'occasion de contribuer ce que je puis de soin et de connaissance, en attendant que je puisse mieux et plus dignement servir par effet à l'avancement que vous désirez et à quoi vous travaillez. Sachez donc, Monsieur, que pour l'état présent de cette province, il n'y a point de plus grand scandale que le nouveau tribut que M. d'Aubigné lève depuis quelques jours en argent sur les bateaux qui vont et viennent par la Sèvre. Tout le reste des gouverneurs semble par leurs actions tendre à l'entretènement de la paix. Quelques particuliers de qualité tant d'une que d'une autre religion s'assurent bien d'hommes mais sans levée apparente. Loudrière est l'un de ceux-là, Les Roches Baritaux de l'autre parti. Le dit sieur d'Aubigné prend bien quelques hommes aussi mais il les renferme dans sa place. Tout cela ne sera rien si les princes unis comme il y a quelque apparence ont plus espéré aux mécontentements et soulèvements des peuples, principalement celui de Paris, qu'en la force de leurs armes. Ce mécompte en leurs desseins donnera loisir à notre Roi de donner ordre à tout, pourvu qu'il ait cette grace du Ciel de bien discerner les conseils et les instruments dont il se faut servir à la réparation et rétablissement de l'État, la rétention de Monsieur le Prince lui en donnera plus de loisir, pourvu qu'on n'emploie point ce temps à nouvelle brigue et utilité particulière. Il est temps d'ouvrir les yeux à ce qui est de plus nuisible pour le retrancher ou le corriger, au moins si l'on ne veut tout renverser de fond en comble, et à ce qui peut bien et dignement servir pour le prendre, l'embrasser, et le maintenir envers tous et contre tous. Monsieur de Sully est de cette dernière espèce et son ministère jugé si utile et si nécessaire de tous les gens de bien, tant par les expériences passées que par le besoin présent de l'État, que tous ceux qui en sont zélateurs, soit par probité, soit par leur intérêt enclos dans le public, aspirent à son rétablissement aux finances et en toutes les principales affaires du roi avec une impatience qui leur fait dire que par là on peut juger si Dieu veut sauver ou abandonner ce royaume en proie, et que s'il n'est remis même avec les suretés et affermissements qu'il demande, que personne ne peut faire état que de s'ensevelir dans les ruines de l'État dont la dissipation est toute imminente sur nos têtes, sans l'ordre que cette seule tête y peut apporter. Je vous dis cela Monsieur sans aucune passion privée ni d'autrui ni de moi-même, désireux seulement que cela fût en une bouche ou partît d'une main plus autorisée pour être représenté avec efficace à la reine et au roi, s'il lui plaît de commencer à entreprendre la charge que Dieu lui a commise, à la connaissance de laquelle il l'appelle par de grands périls pour lui et son peuple. Excusez s'il vous plaît et ne méprisez point du tout ce discours, hardi, à la vérité, en la bouche d'un homme jeune et de la profession que je suis. Pour les bons on soupçonne plus ici Monsieur de Guise d'intelligence avec Monsieur d'Epernon qu'avec les autres princes, et ce par les fréquents passages, allées et venues d'un nommé Paradis, domestique dudit prince vers ledit duc d'Epernon. L'un croit que Monsieur de Nevers ne fait qu'attendre que mondit sieur de Guise ait pris parti assuré pour prendre le contraire, ne le pouvant souffrir devant lui. Et ainsi l'on ne juge pas fort avantageusement de l'union de ces princes pour encore, ce qui sert à arrêter beaucoup de mutins judicieux, on n'a pourtant point eu faute de petits instigateurs aux levées de bouclier qui faisaient déjà ces princes grandement forts et parlaient de leurs armes et hommes par nombre certain et limité. Enfin Monsieur pour vous dire tout et en la confiance que je dois et en la foi et sûreté que vous devez à vos serviteurs, les bons et habiles ensemble croient la prison de Monsieur le Prince un moyen de paix suscité par Dieu pour contenir cet esprit qui n'eût jamais pu prendre ni donner repos avec la liberté, disent qu'il est cependant très expédient et nécessaire de mettre au jour et en évidence indubitable les causes qui l'ont fait mettre là et qui y voulaient faire mettre les autres, se réjouissent d'un vent qui passe du mariage de monsieur le Comte avec Madame Henriette croyant que ce serait un moyen de faire voir l'estime que l'on fait de ce sang de le conserver à bon escient et de le restreindre de nouveau par un lien si étroit avec l'intérêt de la maison de France. Les philosophes séditieux crient d'autre part la répugnance qu'il y a de la lettre du roi aux gouverneurs des provinces et la déclaration qui a suivi en ce qui touche présentement la personne de Monsieur le Prince. Voilà monsieur ce que je vous puis dire pour cette heure par écrit. Je n'épargnerai jamais rien pour mon devoir et mettrai tout pour être par effet.










                                     
accueil
aubigné
bibliographie
activités de l'AAAA
nous contacter



Siège : Médiathèque centrale d'agglomération de Niort – Centre culturel le Moulin du Roc – 7, Boulevard Main – 79000 Niort